Plaie B​é​ante

from Plaie B​é​ante by Yass Sogo

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lyrics

C’est un trou de ciment, une plateforme géante /
Où quelques figures scintillent au soleil comme une plaie béante.
Moi j’y vis depuis ma tendre naissance, /
J’y ai connu des joies et des peines jusqu’à mon adolescence.
J’y ai fait mes premiers pas dans un bac-à-sable, /
Y ai étudié la langue de mes parents dans un madrassa.
Ayant pris du recul, j’vais vous conter mon parcours, /
Mes premiers souvenirs datent de l’époque où je courais partout.


A 8 ans, je ne cesse de m’amuser. /
Ici on batifole, même jusqu’à s’en épuiser.
On varie les loisirs, avec plein de jeunes, /
Et ce parvis immense constitue notre terrain de jeux.
Le surplus de mon énergie, je le dépense/
Loin des nécessités, blotti entre les bras de l’Innocence.
Les jours imprévisibles rivalisent d’intensité, /
J’observe l’horizon avec une douce sérénité.


Ici on joue quotidienn’ment au football, /
On râle, mais on accepte tant bien que mal de faire notre tour au goal.
Le but du jeu, c’est d’humilier son adversaire /
‘vec le ballon, mettre des petits ponts, entourés par quatre mecs secs.
Sur le terrain, les sensations sont électriques /
Et les passions sont frénétiques. On s’attribue des noms de mecs techniques.
On s’excite, c’est peut-être excessif /
Mais on s’efforce de ressembler à Lionel Messi.
J’ai passé mon enfance à caresser la sphère ronde /
Toute la journée jusqu’à ce que le chant de la prière gronde.
On abandonne alors les maillots qu’on a endossés, /
Enfile une djellaba, et on se dirige vers la mosquée.
Je me prosterne, entouré de mes frères et sœurs /
En l’honneur du Tout-Puissant et de ses actes bienfaiteurs.
Je comprends vite que ma religion inspire le rejet /
Mais je ne cautionne pas les critiques dont elle fait l’objet.
Je me contente d’ignorer les médisants et d’expliquer aux réticents /
Que ma foi ne se comprend qu’en lisant.
Et je me justifie jusqu’à m’en époumoner /
Mais on ne conjure pas la peur à coup de paroles raisonnées.
Calfeutrés, leur esprit est trop étroit /
Pour comprendre que la plupart de mes amis sont corrects et droits.
Je trace ma route, mes émotions je tempère, /
Convaincu que mon bonheur viendra d’une attitude exemplaire.
Ca m’baratine, la France est-elle ou n’est-elle pas raciste ? /
J’me pose pas cette question et m’efforce d’éviter ce paradigme.
C’est hard à dire, même de mes amis je me méfie /
Car la violence est notre seul moyen de régler les conflits.
Je vis désormais au milieu des peurs et des craintes. /
Elle semble loin l’époque où la paix m’enlaçait de son étreinte.


A 14 ans, on dit que je suis sympa toutefois, /
Sympa comme peut l’être un jeune dont on se méfie quelquefois.
Ainsi le contenu de mon âme je restitue, /
Il risque de heurter le sillage étroit de leurs certitudes.
Mon quartier est « un redoutable tsunami » /
Quand ils en parlent et tombent d’accord d’une approbation unanime,
Car beaucoup nous trouvent vindicatifs, voire antipathiques /
Comme des éléments véhéments nous jugent et nous stigmatisent.


Une multitude de sensations mon cœur frappent. /
Sachez que mon quartier entier exhale des odeurs âpres.
A perte de vue, s’étendent des grands blocs. /
Pas des statues, ni des colonnes : reflet d’une triste époque.
Partisan de la provoc’, ce décor est univoque /
Le milieu nous saisit et nous gouverne comme un ventriloque.
De cet ensemble se dégage une atmosphère bizarre : /
Le ciel promène ses rayons lourds sur les parterres grisâtres.
Et, lorsque les nuages s’agitent convulsivement, /
Les gouttes s’écroulent comme des balles qui s’abattent sur nos tourments.
Malgré cet air suffocant, on devine /
Que les sensations mêlées forment un étrange tourbillon de vie.
Mais on aspire à des horizons colorés, /
Des paysages multicolores que la crasse n’aura pas détériorés, /
Des lacs, des montagnes enneigées, des plages et des forêts
Eblouissants à explorer, /
Que l’amertume à ignorés.

A 20 ans, je clame mon innocence d’une virulente voix. /
Contraint de me faire respecter, je commets des écarts quelquefois.
Sur les passants, mes émotions je déverse,
Elles prennent la forme d’une impétueuse averse,
Car ils nourrissent à mon égard des avis si horribles /
Quand ils me pointent du doigt et m’exposent à leur pilori
Dans ce trou de ciment, cette plateforme géante /
Où quelques figures scintillent au soleil comme une plaie béante.

J’attends le jour où mon cœur ne saign’ra plus. /
Les jeux sont faits et je me répète que rien n’va plus.
Rien n’va plus /
Les jeux sont faits et je me répète que rien n’va plus.

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from Plaie B​é​ante, released June 21, 2019

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about

Yass Sogo Nice, France

A la fois rappeur et professeur de Français, Yass cultive une écriture à la fois réfléchie et percutante. Il puise son inspiration dans la littérature française et tâche de contribuer à l'exploration du rap en le rattachant aux prémices de sa tradition poétique classique. ... more

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